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La Perfection dans le Zen

Dernière mise à jour : 25 août


Le Buddha est souvent défini par le qualificatif "parfait", soit comme adjectif, soit comme substantif. Pour autant, la notion de perfection n'est pas rigoureusement établie. Pour un Occidental pétri de principes judéo-chrétiens, la perfection est synonyme de pureté ou d'immaculé. Ou pour le dire autrement : "sans souillure". On retrouve aussi, dans le Zen de ShenXiu, le malheureux pseudo rival de Huineng du Sutra de l'Estrade du Sixième Patriarche, la même idée. Ainsi dans sa stance (gatha) originale précisant sa compréhension du Zen, ShenXiu associait le mental à un "miroir brillant" dont la pratique consiste "à le maintenir toujours net afin qu'aucune poussière ne vienne s'y déposer".


Le fait est que Huineng nie l'existence d'un tel miroir, en sorte qu'aucune poussière ne peut s'y déposer. Dans son idée, le mental, par nature, est "libre d'erreurs, libre de souillures, et libre de troubles". "Libre de" ne signifie pas "exempt de". Cela signifie que le mental n'est pas, par nature, affecté par les erreurs, les souillures et les troubles. Mais si cela se conçoit bien, la nature même du mental n'est pas pour autant définie, car on pourrait très bien imaginer un mental qui serait une sorte de miroir non affecté par les reflets. Un miroir "vide de reflets", en quelque sorte. Or, une telle idée serait erronée, car le mental est non seulement vide de reflets mais encore vide de lui-même. C'est ce que Huineng entend par "là où tout est vide, où la poussière pourrait-elle se déposer ?" dans sa gatha en réponse à ShenXiu.


Ici la perfection n'est pas synonyme de pureté ou d'immaculé, mais de vacuité. Quand on réalise la vacuité, on ne réalise pas que "rien n'existe par soi-même parce que tout est interdépendant", bien que cela soit vrai par évidence. Quand on réalise la vacuité, on réalise l'absence de miroir, l'absence d'esprit. Et le monde tel qu'il est devient alors notre "vrai soi". Quand on voit un arbre, nous sommes l'arbre. Quand on voit la lune, nous sommes la lune. Ici, point de lac tranquille, la nuit, quand elle brille et s'y reflète. Le lac a été avalé d'une seule gorgée et est devenu aussi vaste que le ciel. L'œil s'est retourné sur lui-même, à la manière d'un gant que l'on retire, et se voit lui-même tel qu'il est le monde. Le trésor enfoui dans les eaux profondes est alors à portée de main, sans qu'il soit nécessaire de se mouiller.


Mumon Yamada disait à Taikan Jyoji : "le karma est une passion profonde qui ne peut être corrigée". Or, seule une erreur peut être corrigée, en sorte qu'une passion profonde n'est rigoureusement pas une erreur. Il n'y a pas de "mauvais karma" ailleurs que dans l'idée d'une perfection synonyme de pureté. Dans le kôan du Mu de Joshu, le chien est le chien et là est sa passion profonde. Mais s'il est impur et qu'il peut donc être corrigé par une existence exemplaire, alors le chien n'a pas la nature de Buddha et n'est donc pas le chien ; il n'est qu'un reflet dans le mental. Un reflet n'est rigoureusement pas un être sensible. Or, seuls les êtres sensibles ont la nature de Buddha.


Nous voyons le monde selon ses reflets et non tel qu'il est avant même l'observation. Mais si nous avons vu dans notre vraie nature, qui est notre vrai soi, alors il suffit de ne plus faire de l'imperfection, des souillures, des erreurs et des troubles tout une affaire. Tout cela ne nous concerne plus. Telle est la vraie liberté. La véritable perfection dans le Zen. La pratique, dans le Zen, consiste à garder cela en mémoire et à le réactualiser à chaque fois que nécessaire, c'est-à-dire quand des obstacles viennent obscurcir notre existence. C'est ce qu'on appelle "briller au travers des circonstances bonnes ou mauvaises".



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